365 Jours, Tome 1 de Blanka Lipińska


 365 Jours, 
Tome 1 
de Blanka Lipińska

Éditions Hugo & Cie

Sortie le 6 mais 2021
Format broché / 360 pages / 17 €

 
Présentation de l'éditeur :

Don Massimo Torricelli est le chef d'une des plus puissantes familles mafieuses de Sicile.
Il y a plusieurs années, alors qu'on lui a tiré dessus, il se bat pour survivre, il a des visions d'une jeune femme. À peine sorti du coma, il fait réaliser des peintures du visage de cette femme qui l'obsède et qu'il n'a de cesse de trouver.
Laura Biel passe des vacances en Sicile avec son copain, Martin et des amis à l'occasion de son anniversaire. Depuis qu'elle est arrivée sur l'île, Laura a le sentiment étrange d'être observée, elle met cette sensation sur le compte de la fatigue et décide de profiter de ses vacances.
Malheureusement les relations entre Laura et Martin sont délétères. À tel point que Laura ne supportant plus l'attitude de Martin, quitte l'hôtel furieuse. Alors qu'elle déambule dans les rues du petit village sicilien, elle croise le chemin de Massimo.
Elle se réveille dans un lit inconnu, et se trouve devant celui qu'elle surnomme l'homme en noir. Il lui fait une proposition des plus étranges : rester avec lui pendant les 365 prochains jours, et si elle n'est pas tombée amoureuse de lui d'ici là, il la laissera partir. Massimo lui affirme qu'il ne fera jamais rien sans son consentement, qu'elle n'a rien à craindre de lui.
Laura est animée par des sentiments contradictoires, elle est à la fois extrêmement attirée par le beau Massimo, et hors d'elle d'être retenue contre son gré.

Une relation d'une sensualité dévorante va se nouer entre Laura la fougueuse et Massimo l'impétueux. Et ce n'est pas forcément celui que l'on imagine qui va mener la danse...

Un roman sexy et profondément romantique.


Trigger Warnings. Ce livre est déconseillé :
  • aux allergiques aux spoilers. Cet avis en contiendra, ainsi que des citations pour appuyer le propos ;
  • aux personnes indifférentes, voire allergiques, à la mode, à l’étalage de bling-bling non-stop et à la superficialité ++ ;
  • aux anciens alcooliques ou aux personnes susceptibles de faire un coma éthylique rien qu’en regardant des protagonistes écluser du champagne comme des puits sans fond ;
  • aux personnes qui savent qu’un non est un non, qu’un oui est un oui et que ce oui permet en réalité beaucoup de choses sans que cela soit problématique, et enfin qu’un non n’est pas un oui déguisé, sauf dans la tête de l’agresseur. Dans ce livre, le « non » de l’héroïne n’est pas entendu la plupart du temps ;
  • aux personnes ayant subi un viol ou une agression sexuelle ;
  • aux personnes victimes de violences conjugales. Si vous vous reconnaissez dans certaines situations du livre qui relèvent de l’abus au sein du couple (grille de référence ici), n’hésitez pas à vous rendre sur ce site pour trouver de l’aide.

L'avis de Tan :

À ma gauche, Dory, pardon, Laura. Polonaise d’1,65 m pour 50 kg soit un IMC de 18,4, donc maigre (souvenez-vous-en quand elle compare un chibre à la taille de son poignet), qui aime le champagne rosé et boit au réveil pour faire passer son mal de tête, le luxe, qu’on lui offre des cadeaux très chers, s’admirer dans le miroir portant des vêtements de marque, le sexe décomplexé (le seul bon point sur son CV) et critiquer ce qu’elle juge être de mauvais goût. Elle a aussi une mémoire très sélective et ponctue ses phrases avec des « putain ».

À ma droite, Massimo, archétype de l’homme alpha, dit « L’homme en noir » (195 occurrences dans le livre), mafieux sicilien à la tête d’un empire mondial, riche, possédant des villas, maisons, appartements, hôtels, yachts, voitures dans toutes les villes de France et de Navarre, des comptes bancaires dans les paradis fiscaux et plein de vêtements pas noirs. Il est toujours prêt à menacer physiquement quelqu’un quand il s’emporte, y compris Laura.

D’un côté, nous avons une femme en vacances qui n’avait rien demandé et de l’autre, un homme à l’obsession maladive pour la femme de son rêve qui va utiliser tous les moyens à sa disposition pour obtenir ce qu’il veut. Et il veut Laura, et quand Massimo veut, Massimo retrouve une mentalité de gamin de 5 ans, pique une colère et devient menaçant. « Tu n’as toujours pas encore compris que j’obtiens toujours ce que je veux ? » et « – Tu seras à moi, je te le promets. Je te prendrai comme je veux, quand je veux et où je veux. », par exemple. Massimo a les traits de caractère d’un homme possessif et manipulateur qui souffle le chaud et le froid pour mieux déstabiliser sa victime. Il lui dit qu’il ne fera rien qu’elle ne désire, pour lui dire quelques pages plus loin qu’il ne contrôle rien, mais que c’est de sa faute à elle. (« – J’ai promis de ne rien te faire sans ton autorisation, mais je ne sais pas si je vais pouvoir me retenir, murmure-t-il en me regardant droit dans les yeux. ») En plus de menacer ses parents, il a tendu un piège à l’ex-petit ami pour le faire disparaître de l’équation et il a fait en sorte que ses amis rentrent en Pologne pour mieux l’isoler. Il lui invente même une histoire de toute pièce pour qu’elle n’ait pas l’obligation de retourner chez elle. Ne parlons même pas du fait qu’il a été récupérer toutes ses affaires en Pologne sans lui dire, qu’il a fait une enquête sur sa vie (mais est curieusement passé à côté de sa maladie de cœur), qu’il lui fait croire qu’il lui a mis un implant contraceptif dans son sommeil pour calmer une crise quand il éjacule en elle (la capote, c’est pour les faibles, surtout lors de la première fois), alors qu’elle a des problèmes cardiaques et qu’il le sait. Il lui implante surtout une puce GPS pour la suivre à la trace et estime que la mettre enceinte sans l’avertir sera le meilleur moyen de la faire rester auprès de lui.

Ouvrons les yeux un instant : ce degré de possessivité et de contrôle sur l’autre, c’est celui d’un homme maladivement jaloux qui considère la femme comme un objet que personne ne peut posséder sauf lui. C’est ce qui, aujourd’hui, est le mobile de beaucoup de féminicides : si l’homme ne peut pas avoir SA femme, qu’elle ose partir, alors personne d’autre ne l’aura. Et Laura se raccroche à ces moments où il est doux, où il s’excuse, où il la couvre de cadeaux, pour lui pardonner. S’il est violent, ce n’est pas de sa faute, il n’a rien connu d’autre, il est comme un petit garçon perdu. Ce qui place Laura dans le rôle de la sauveuse, en plus de celui de la mère. Et puis, il est tellement sexy qu’on lui donnerait le Bon Dieu sans confession, même quand il tue des gens. Un schéma tristement classique… vendu comme un sommet du romantisme.

Difficile d’atteindre la suspension d’incrédulité et de profiter de la soi-disant romance dans ces conditions.

Alors, certes, il serait facile de dire : mais c’est de la fiction, on a le droit de fantasmer comme on veut (surtout qu’imaginer être « forcée » à faire des choses que l’on n’ose s’autoriser soi-même est d’une banalité sans non dans la littérature érotique depuis toujours, mais c’est mis en scène avec plus ou moins de talent), ce n’est pas bien grave, rolalala faut se détendre. Et là-dessus, j’ai envie de dire : pas de problème, chacun est libre de faire ce qu’il veut de ses fesses et de ses petits doigts tant que ça engage des personnes majeures et consentantes. Ça s’appelle la consensualité et ça permet déjà beaucoup beaucoup de choses. D’ailleurs, si les deux personnages principaux avaient écouté leurs envies plutôt que de se chercher pour mieux se repousser pendant de longs chapitres, le livre aurait été beaucoup plus court et le sexe moins soumis à la coercition systématique avec des « non » et des « stop » qui ne sont jamais entendus. Le hic, c’est que tout le livre repose sur ce « non qui veut dire oui », et le fait qu’il soit lu et adulé par beaucoup de femmes entretient plus ou moins inconsciemment l’idée que c’est ce qu’elles recherchent réellement au fond d’elles-mêmes. Donc que le « non qui veut en fait dire oui » est toujours une excuse valable pour forcer les choses. Or, non. Pas dans l’extrême majorité des relations. Et dans les quelques cas particuliers, il y a toujours une entente à un moment entre les deux parties pour établir que le non ne sera pas pris en compte. Toujours. Sinon, il y a viol et agression sexuelle.

L’héroïne est donc retenue prisonnière contre son gré avec menaces proférées contre sa famille et un ultimatum fixé à 365 jours pour tomber amoureuse, ce qui arrive en fait à la moitié du livre. Il suffit que l’homme insiste (la couvre de cadeaux et soit prévenant le reste du temps) pour obtenir ce qu’il veut. De trop nombreuses scènes de sexe démarrent par de la colère, de l’énervement, des menaces de la part de Massimo et un non de Laura en retour, mais il insiste jusqu’à ce qu’elle finisse par céder (« Il va arriver à ses fins, que je sois d’accord ou pas. ») Ce schéma se reproduit à plusieurs reprises et comme elle finit toujours par éprouver du plaisir, voire par jouir, c’est qu’il a bien eu raison. Voilà le message. Les seules scènes qui fonctionnent à peu près d’un bout à l’autre sont celles où c’est Laura qui prend les devants. Le reste du temps, c’est l’homme qui impose ses envies jusqu’à ce que la partie adverse s’y plie.

Pour preuve, je vais me contenter de citer un extrait. Un seul.
Je sens que quelqu’un caresse mon clitoris. Je sens deux doigts me pénétrer. Dans un demi-sommeil, je suis un peu désorientée. Je ne sais pas ce qui se passe, si je suis dans la réalité ou si je rêve.
– Massimo ?
– Oui ?
– Qu’est-ce que tu fais ?
– Il faut que je te pénètre, sinon je vais devenir fou, dit-il en se collant contre moi de sorte que je sens sa superbe érection contre mes fesses.
– Je n’ai pas envie.
– Je sais, répond-il en me pénétrant.
Si vous ne voyez pas le souci, une lecture s’impose : Troubles dans le consentement d’Alexia Boucherie.

Au final, 365 jours n’est pas très bien écrit, pas correctement retravaillé par l’éditeur polonais, sinon il serait plus cohérent, moins répétitif et contiendrait moins d’erreurs factuelles, et pas correctement corrigé par l’éditeur français. Ce qui n’aide pas. Il ne mérite ni son étiquette de romance ni celle de dark romance, qui impliquerait un développement minimum de la psychologie des personnages et donc un travail de recherche. 365 jours est juste l’histoire fantasmée de l’alter ego de papier de l’autrice qui s’est mise en scène, elle ainsi que ses connaissances, dans un monde aussi dangereux que jouissif selon ses critères (alcool, culte du corps, luxe et luxure, argent). C’est surtout l’occasion pour elle d’écrire des scènes de sexe chaudes mâtinées de porno tout à fait dans l’air du temps et de surfer sur la vague tout en pensant réinventer le fil à couper le beurre. Hélas, en plus d’être problématique pour les raisons invoquées plus haut, c’est juste un mauvais livre qui est bien loin d’être aussi transgressif ou émancipateur que son autrice veut bien le faire croire. Encore une fois, il ne s’agit que d’un coup médiatique très rentable. Mais le sacrilège ultime, ce qui est définitivement le plus choquant, c’est qu’il y a une belle bibliothèque dans la villa de Massimo et que Laura n’y prend jamais un livre. Elle préfère lire les nouvelles du monde dans… Vogue. Ça, vraiment, ça ne passe pas.

Mon royaume pour la villa au bord de la mer de Massimo, mais sans Massimo, un transat, le soleil et un bon livre. Et une citronnade bien fraîche, parce que tout ce champagne m'a donné la gueule de bois.


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