La Déclaration, Tome 1 : L'histoire d'Anna de Gemma Malley



La déclaration
Tome 1 : L'histoire d'Anna
de Gemma Malley

Éditions Livre de Poche Jeunesse

Sortie le 28 septembre 2022
Format poche / 284 pages / 7,90 €



Présentation de l'éditeur : 

Angleterre, 2140. Les adultes peuvent choisir de ne plus mourir s’ils renoncent à faire des enfants. Anna vit depuis presque toujours au Foyer de Grange Hall, un pensionnat pour les Surplus, des enfants qui n’auraient pas dû naître, des enfants dont les parents ont défié la loi en les mettant au monde. Anna n’a plus de parents désormais. Confinée dans l’enceinte du pensionnat, elle travaille très dur, pour effacer leur faute. Anna a tout oublié de son passé jusqu’au jour où arrive un jeune garçon qui semble la connaître. Mais qui est Peter ? Pourquoi ne la laisse-t-il pas tranquille ? Et pourquoi se sent-elle soudain si troublée ? À travers l’histoire d’Anna, un roman bouleversant sur la vitalité de l’adolescence.

Avis de Tan

La Déclaration est un livre qui date un peu. D'abord publié en France en 2007 par Naïve, il est ensuite ressorti en 2018 chez Hélium, puis en 2022 chez Le Livre de poche. Curieux parcours qu'aura eu cet ouvrage. Certains l'ont lu dès sa sortie initiale et d'autres étaient totalement passés à côté jusqu'à aujourd'hui. Voici donc une occasion de se rattraper. Et vraiment, il vaut le détour.

Il est recommandé à partir de 13 ans, et un adulte, avec sa vision d'un autre âge, pourrait trouver que certaines scènes sont trop difficiles. Peut-être qu'en effet, un peu d'accompagnement serait le bienvenu pour certains ados. Car le début est âpre, austère et très violent. La plume est aiguisée et efficace. La gestion de la population mondiale depuis que l'immortalité est offerte à tous sous condition de signer la déclaration du titre implique que faire un enfant est puni par la loi. Seul le Royaume-Uni ne les tue pas d'office et préfère leur trouver une utilité. Dans les écoles pour Surplus, il n'y a pas de répit, pas de compassion, pas de bienveillance. Il n'y a qu'une chose à garder à l'esprit : les Surplus ne sont rien, ils ont volé leur droit à exister et devront le payer toute leur vie. Pour cela, ils subissent un conditionnement à la dure pour connaître leur place et leur seul espace de liberté consiste à se montrer violents et humiliants vis-à-vis du camarade désigné bouc émissaire du jour.

Ce début, il colle aux doigts, il est sans concessions. Anna, l'héroïne, se retrouve à devoir gérer un sentiment de liberté grandissant dans un monde qui la sacrifiera pour l'exemple plutôt que de la lui donner. On a beau savoir qu'elle s'en sortira puisque l'on est dans une dystopie somme toute assez classique, il faut malgré tout subir tout ce qu'elle subit, voir ce qu'elle voit, sentir son abnégation qui lui a été inculquée à coups de ceinture et de gifles. Et comme si l'ambiance n'était pas déjà assez oppressante, il faut aussi prévenir qu'une des scènes clés du livre n'est pas recommandée aux lecteurs claustrophobes. Même pour les plus braves, ce fut une épreuve.

Pour prendre un peu de hauteur sur le récit, il est difficile de ne pas repenser à deux œuvres pourtant postérieures. Tout d'abord, The Promised Neverland, manga de Kaiu Shirai et Posuka Demizu, pour le côté enfermement et discipline dans une école, la bonne humeur en moins. Et ensuite, Underground Railroad de Colson Whitehead, puisqu'il est fait mention d'un réseau souterrain qui aide les Surplus et les parents fautifs. Ce n'était sans doute pas voulu par l'autrice, mais ce rapprochement n'est pas inintéressant puisqu'il permet de faire un parallèle avec le fonctionnement du racisme institutionnalisé des USA envers les Noirs, notamment avant la guerre de Sécession. Si vous remplacez la façon dont sont traités Anna et ses pairs par le sort réservé à Cora et les Noirs rencontrés dans le livre de Whitehead, c'est assez saisissant. De là à dire que ce livre pourrait servir de pont empathique entre deux mondes, il n'y a qu'un petit pas.

L'histoire d'Anna peut être lu comme un one-shot ; il a une fin qui se suffit à elle-même, même s'il s'agit du premier tome d'une trilogie que l'on imagine être le récit de la révolte qui mettra à mal le système établi. Le début est également plus surprenant que la fin ; c'est là où il y a le plus de world building et celui-ci est vraiment très solide et complexe. La Déclaration se déroule sur fond de problématiques écologiques, énergétiques, climatologiques et de vie éternelle qui poussent à faire certains choix au niveau mondial. L'action se déroule en 2140, et celui fait ici est d'avoir une action drastique sur la démographie pour tenter de rester dans les limites de la croissance dans un monde fini. Ce qui pose bien sûr au passage la question de l'utilité de cette course actuelle à l'immortalité : comment, pour qui, avec quelles conséquences ? Difficile de ne pas y trouver des échos à notre époque et aux défis qu'il nous faudra relever dans un avenir proche. Mais tout ceci n'est que l'avis de quelqu'un qui n'a plus 13 ans depuis longtemps...



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