Interview Milady Tour 2014 - Nalini Singh


À l'occasion du Milady Tour, nous avons eu la chance de rencontrer et d'interviewer plusieurs auteurs présentes. Nous vous en proposons une retranscription et une traduction. Merci à Rory, Lila et Méli pour leur aide !

Voici l'interview de Nalini Singh, l'autrice des sagas Psi Changeling, Hard play, Rock kiss et Chasseuse de vampires que le staff a pu rencontrer lors du Milady Tour. Une rencontre très agréable. Venez en découvrir un peu plus sur elle et sur son univers.



Comment allez-vous ?
Ah, je connais la réponse ! Ça va bien (1). Je vais bien. Je suis tout juste arrivée à Paris hier, j’aime l’atmosphère de cette ville. Je ne sais pas si je pourrais y vivre, car il y a vraiment beaucoup de gens, je préfère quand c’est un peu plus calme (léger rire). [...] J’aime avoir mon petit espace. Mais j’aime vraiment beaucoup Paris et son style. Je n’aurai pas trop le temps de la visiter cette fois-ci, je pense que je devrai revenir, et pas seulement à Paris, j’aimerais explorer d’autres parties de la France.

(1). Prononcé en français.


C’est la première fois que vous venez à Paris ?

Oui, oui ! C’est ma toute première fois, je suis très contente !

Et que pensez-vous de Paris, la nourriture, les gens ?

Je n’ai pas trop eu l’occasion de faire des rencontres pour le moment, mais tous les gens de ma maison d’édition sont vraiment fantastiques et merveilleux ; ils m’ont emmenée dans de très bons restaurants, j’ai beaucoup apprécié. La chose qui tue est que je suis allergique au blé, donc je ne peux manger aucune des viennoiseries que je vois dans les vitrines, et je suis là à penser : « Aaaarg ! J’ai juste envie de le dévorer ! ». Elles semblent vraiment délicieuses ; ma famille les apprécie.

Comment décririez-vous votre série Psi Changeling
Psi Changeling se situe dans un futur proche, ce qui est intentionnel. L’histoire se déroule environ 50 à 60 ans après notre époque. Je voulais que l’univers soit familier, mais qu’il puisse avoir juste ce qu’il faut de différences me permettant certaines choses que j’avais envie de faire apparaître dans l’intrigue. C’est un monde où il y a trois races. Les humains, les Psi, qui ont de grandes aptitudes psychiques, mais qui paient un prix en échange de ces dons. Ils ont un taux élevé de folie, de criminalité – ils ont donc décidé de se débarrasser de leurs émotions. Et puis il y a les Changeling qui sont de réels métamorphes, ils peuvent changer de forme à leur gré. Ils sont très centrés sur la famille, ils sont très tactiles, très émotifs. Les Psi et les Changeling sont donc totalement opposés, et les humains sont en quelque sorte pris au piège entre ces deux puissantes races. Au début de la série, les humains apparaissent impuissants, mais au fur et à mesure, on commence à réaliser qu’ils jouent un rôle important dans l’équilibre entre les races. La série raconte ce qui arrive aux Psi mais on y découvre aussi les Changeling. On plonge vraiment dans l’univers et on l’observe changer. Le changement débute dans le premier tome, avec ce qui arrive à Sascha, puis le changement grossit. C’est comme une vague déferlante qui, à un certain moment, va s’abattre. Il n’y aura plus qu’à ramasser les morceaux et à voir que faire ensuite.

Est-ce plus facile de raconter l’histoire d’un couple par livre, ou de garder un couple sur plusieurs livres ?
Je pense que c’est plus facile d’avoir un couple par roman. On décrit leur histoire d’amour, ils finissent ensemble, c’est le but de leurs aventures. Avec Psi Changeling, je peux revenir sur certains couples [des tomes précédents], et je le fais souvent, car j’aime beaucoup voir leur relation évoluer. Mais avec mon autre saga, Chasseuse de vampires, on suit un même couple sur plusieurs livres. C’est plus difficile car la structure change ; il n’est plus seulement question d’amour, mais aussi de ce qui arrive après ça. Quand j’ai commencé, je voulais assurément écrire une histoire d’amour, et passer plusieurs livres sur un même couple. Je ne voulais pas que ce soit comme une série d’urban fantasy en bonne et due forme, où l’on ne sait pas si l’héroïne va finir avec le héros. [...] Car c’est plus facile au final, la structure reste la même [que pour un roman qui raconte l’histoire d’un couple], mais pendant trois livres. Ce que je voulais faire était écrire une histoire avec des personnages qui tombent amoureux mais qui se demandent ensuite comment gérer le fait que chacune de leurs vies subisse un changement énorme. Ça a été très intéressant. Je ne voulais pas non plus créer de faux conflits en amenant un personnage juste pour que les héros se disputent, ou autre chose du même genre. Le propos est vraiment l’exploration de leur relation. La difficulté réside tout d’abord dans le fait de l’explorer d’une façon authentique au niveau des personnages, des émotions. [...] Mais aussi dans le fait de garder l’histoire intéressante pour le lecteur, car j’ai vraiment envie de les intéresser à ce couple et qu’ils aient envie de le suivre. [...] Mon éditeur m’a permis de faire trois livres sur Elena et Raphael, puis sur Dimitri et Jason, puis je suis revenue à Elena et Raphael. Ça m’a été d’une grande aide et m’a permis d’écrire la série de la façon dont je le voulais. Car, parfois, dans un couple on arrive à une situation où l’on se sent bien et tout est résolu ; on pense « tout va bien maintenant ». Puis la vie continue et il y a ce souci supplémentaire dont il faut s’occuper. C’est vraiment quelque chose de très naturel, ce n’est pas « inventé ». J’ai apprécié d'écrire les deux séries, mais quand j’ai commencé Chasseuse de vampires, c’était vraiment un défi de n’avoir qu’un seul couple.

Pour écrire un livre, quel qu’il soit, est-ce toujours la même façon de travailler, le même plan ?
Ça dépend du livre, en fait. En général, j’ai une idée d’ensemble pour la série, mais pour chaque livre je dois me poser et voir ce qui vient. Puis faire des modifications par la suite. La plupart du temps, je n’écris pas séquentiellement ; je peux écrire la première scène, puis la quinzième, puis la huitième. Ça donne un gros bazar que je dois assembler. Mais il m’arrive tout de même décrire séquentiellement à l’occasion. [...] Honnêtement, cela dépend du livre. Et, en fait, ça fait partie des choses que j’aime à propos de l’écriture, ça change constamment, c’est constamment différent, à chaque nouveau livre, je pense que vous serez d’accord, c’est juste... différent. Et j’apprécie. Lorsqu’on me demande : « Quel est ton processus d’écriture ? », je réponds : « Je peux te dire quel est mon processus aujourd’hui, mais je ne sais pas si ça sera le même demain ! » (léger rire).

Travaillez-vous avec de la musique ou dans un environnement spécifique ?
Habituellement, je peux écrire le premier jet d’un roman à peu près n’importe où. Par exemple, j’ai une fois écrit une nouvelle entière lorsque j’ai été coincée à l’aéroport de Chicago, O’Hare, car il y avait un retard monstre. J’ai ensuite fait un vol de douze heures et je l’ai reprise, ça s’est bien passé, rien ne m’a dérangée, pourtant il y avait des gens tout autour. J’ai écrit lors de voyages en train... et un peu partout. Mais quand je passe dans la phase de révision, à des choses profondes et intenses, je préfère le silence. [...] J’ai déjà fait ça dans d’autres environnements, par exemple en avion récemment pour une courte histoire. Dans ce cas je mets un casque anti-bruit. [...] J’aime également le silence en phase de correction. Lorsque j’écris un premier jet il m’arrive de mettre un peu de musique. Je sais que certains auteurs ont des playlists, mais pour moi c’est plus de la musique de fond. Il m’arrive de mettre certains genres de musique ou un morceau qui me parle en relation au roman, mais je n’en ai pas le besoin. Parfois j’en ai envie, parfois non. Parfois je mets une bougie, juste pour avoir une ambiance sympathique, mais pour moi c’est surtout : « Donnez-moi du papier, donnez-moi un stylo, et j’écrirai. ». Et c’est bien, parce que j’aime voyager, donc je dois être capable d’écrire partout. J’aime mon bureau et y écrire, mais je peux écrire ailleurs.

Qu’est-ce qui est le plus important pour vous lorsque vous écrivez : les personnages et ce qu’ils ressentent, ou l’univers ?
Tout est important. Je pars des personnages, car j’écris des histoires centrées sur les relations et les personnes. Le monde a un rôle dans le récit, il donne le cadre, mais sans les personnages il n’y aurait pas d’histoire, donc je me concentre sur eux et le reste en découle. Je regarde à travers leurs yeux pour explorer leur monde, et ce sont leurs émotions que je décris. Comme je ne fais pas de plan pour mes romans, le premier jet me sert vraiment à apprendre à connaître les personnages. [...] Quand c’est fini, je connais les personnages et je peux vraiment commencer à écrire leur histoire.

Les personnages vous parlent-ils ou êtes-vous plus une observatrice extérieure qui voit leur histoire se dérouler ?
C’est un peu comme s’ils étaient mes amis. Quand j’écris leur histoire, je suis très impliquée. Je ne me sens pas séparée ou observant depuis l’extérieur, je me sens comme en train de regarder à travers leurs yeux [...]. Je suis très proche. Dans le tome 7 de Psi Changeling, il y a un passage très triste à la fin et je me rappelle de moi, assise-là, simplement en train de pleurer, de sangloter, de penser que j’allais endommager mon clavier tellement il y avait de larmes qui tombaient dessus (léger rire). [...] Comme je l’ai dit, j’aime voir le monde à travers leurs yeux, et cela veut dire ressentir leur peine.

Quel est votre genre littéraire préféré ?
Cela change selon mon humeur. Je lis de manière très éclectique, je lis tout genre de choses. Je lis encore un peu de romance paranormale [...] mais j’en ai tellement lu que maintenant j’ai besoin de choses différentes pour éveiller mon intérêt. Cela étant dit, l’une des séries que j’adore en ce moment est Iron Seas de Meljean Brook. (Ndlr : Le premier tome, Le duc de fer, est paru chez J’ai Lu en 2012.) C’est du Steampunk, avec de la nanotechnologie, l’Angleterre victorienne, c’est incroyable, j’adore. Mais j’aime aussi la romance contemporaine, la romance historique... [...] les protagonistes se rendent à des bals, prennent le thé cérémonieusement (rires). C’est un peu un monde de rêve, parce que, vraiment, ça ne se passait pas tout à fait comme ça (rires), mais peu importe, je suis prête à y croire. J’aime également beaucoup la science-fiction et la fantasy. L’une des séries que j’aime beaucoup en ce moment est Liaden universe, écrite par Sharon Lee et Steve Miller. C’est classé en « space opera », mais on suit simplement les aventures d’une famille qui, il se trouve, se situe dans l’espace avec des... aliens, puisqu’ils viennent d’une autre planète. Je lis également des romans à suspense et de la non-fiction. S’il y a quelque chose qui attire mon regard, je le lirai. Je suis une de ces personnes qui, étant enfant, quand elle avait une série de livres sous les yeux, lisait tout ce qu’il était possible de lire sur la couverture, la quatrième, la tranche... Si quelque chose m’intéresse, je le prendrai. Lorsque j’étais plus jeune, j’avais du mépris pour les choses très littéraires, je ne voulais pas lire de classiques. Mais entre temps j’ai eu un diplôme de littérature anglaise, les choses ont changé (léger rire). [...] Tant que l’histoire est bonne, que la voix du personnage est bonne, où qu’il y a quelque chose d’intéressant[, je lirai le roman]. L’un des romans de non-fiction que j’ai lu l’année dernière était Brain on Fire: My Month of Madness de Susannah Cahalan. Un jour elle est devenue folle ; elle a commencé à voir de gros insectes partout, et elle pensait vraiment qu’elle était en train de perdre l’esprit. J’ai lu un extrait et je me suis tout de suite dit : « Je dois savoir comment ça finit ! » (léger rire). C’était un mystère médical et j’étais fascinée. Tant que ça me fascine, je suis au rendez-vous.

Combien de livres lisez-vous par an en moyenne ?
Entre 100 et 101. Cette année je suis très mauvaise, je suis bien loin de mon rythme habituel, mais j’ai beaucoup plus écrit. [...] Je pense vraiment que lire est important pour un auteur. Il y a un écrivain qui dit que ça nous permet de remplir notre encrier créatif. [...] J’adore lire et j’essaie vraiment de trouver du temps pour le faire. Cependant, je n’aime pas lire dans les périodes où j’écris. Premièrement, je ne veux pas être inconsciemment influencée par quelque chose que je lis. Ensuite, je suis de ces lecteurs qui aiment s’immerger dans les livres, je veux lire un livre en une fois, et je ne peux pas le faire quand j’écris, car je n’ai pas le temps. Je ne veux pas commencer un livre, car si je le commence, je resterai éveillée toute la nuit et serai inutile le lendemain (rire). J’ai mis de côté beaucoup de livres et je lis beaucoup en ce moment, durant mon voyage, dans l’avion etc. J’aimerais pouvoir lire au minimum un livre par semaine mais parfois ça ne se passe pas comme ça.

C’est déjà bien, un livre par semaine.
(Rires) Je n’y arrive pas toujours. J’ai tendance à faire des marathons de lecture (binge-reading) : je finis l’écriture d’un livre puis j’enchaîne la lecture de 4 ou 5 romans. Ce sont mes vacances, après avoir terminé mon livre.

Vous sentez-vous en manque lorsque vous ne lisez pas assez ?
Il y a quelque chose dans la lecture qui est différent de regarder la télévision ou des autres moyens de se relaxer. Avant de prendre l’avion [pour venir ici], en Nouvelle-Zélande, je venais de finir d’écrire un livre, normalement j’aurais dû prendre quelques jours pour moi et lire un peu. Je n’ai pas pu, car j’allais voyager dans peu de temps, j’avais tous ces achats à finir, et plein de choses à faire. Dès que je suis montée dans l’avion, j’ai ouvert un livre et je me suis mise à lire (soupir de soulagement). Oui !

Et ressentez-vous un besoin d’écrire ? Autant que le besoin de lire ?
Oui. En fait, avant que vous n’arriviez, je parlais avec Maya Banks et je lui disais : « Je n’ai pas écrit depuis quelques jours et je commence à devenir folle. J’ai besoin de prendre deux heures dans ma chambre pour m’asseoir et écrire. ». Pour moi, c’est vraiment une passion. Même lorsque je pars en vacances, j’écris. C’est toujours mon passe-temps en même temps que mon travail. [...] Je ne veux jamais perdre ça, la joie que j’en retire, ça me donne tant de plaisir. J’ai toujours des projets « de jeu », qui ne sont pas sous contrat ; il n’y a pas de deadline, je le fais pour moi. Et souvent j’ai de très bonnes idées grâce à ça, ça me donne beaucoup de liberté. Donc oui, j’ai besoin d’écrire. Hier soir j’ai eu envie d’écrire avant d’aller au lit, mais je me suis retenue de peur d’être un zombie pour les interviews (léger rire). J’écrirai cet après-midi (léger rire).

Où vous voyez-vous dans dix ans ?
Oh mon Dieu ! Je veux avoir une carrière d’auteur, c’est ce que je veux faire de ma vie. Donc je devrai encore pouvoir être une écrivaine et capable de satisfaire les lecteurs. C’est ce que mon but serait, satisfaire les lecteurs. Et également de pouvoir résister au temps, que les gens aiment encore dans 10 ans les romans que j’ai écrits maintenant.

Pensez-vous écrire un roman Steampunk un jour ?
J’adore le genre, mais Meljean [Brook] excelle tellement, c’est ma référence. Je ne sais pas si j’oserai essayer [...]. Il y a aussi des choses dont je veux profiter en tant que lectrice, je ne veux pas en écrire moi-même, je veux juste me plonger dans leur monde et m’amuser. C’est la même chose pour la romance historique. En partie parce que je voudrais inventer des choses et réécrire l’Histoire (léger rire). Il ne faut jamais dire « jamais » car on ne sait pas quelle idée on va avoir ; si j’ai une idée géniale pour le genre Steampunk, bien sûr, je l’exploiterai, mais ce n’est pas quelque chose que je cherche spécifiquement à faire.


Un très grand merci à Nalini pour sa gentillesse et son sourire, ainsi qu'aux éditions Milady pour avoir organisé cette rencontre.

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